Pour partager votre témoignage, merci d’utiliser le formulaire en ligne ci-dessous
Pour lire un témoignage, cliquez sur l’auteur
Certaines informations peuvent avoir été altérées, celles-ci sont indiquées –modération–
— Lucas X.
Lorsque j’étais plus jeune, on m’a souvent parlé du Québec. En France, dans les grandes villes, on côtoie souvent des gens qui ont travaillé à Montréal un jour dans leur vie. Ils en parlaient en bien. Ils parlaient de ses parcs, de ses hivers, mais aussi de sa créativité. Je me suis dit que plus tard, j’irai là-bas, même si je ne savais pas bien encore où c’était. Je n’étais pas très grand.
Avec les années, j’ai peu à peu oublié mon projet. Puis un jour, sur les bancs de mon école de cinéma en France, j’ai appris que Montréal était le deuxième centre mondial des effets spéciaux. J’ai compris que l’idée de mon ancien moi était en fait très cohérente. Mon école était très bien réputée, elle se classe même aujourd’hui première pour les effets visuels en Europe. Nombre d’intervenants nous y avaient déjà brossé du Québec un portrait flatteur, tant et si bien qu’il avait éclipsé pour beaucoup celui de Londres – pourtant centre historique de notre métier. La promesse de vie attirait, avec le mélange des cultures montréalais, et une industrie forte, créative et pleines de gens bizarre comme moi – assez techniques, assez artistiques – très passionnés. Le rayonnement du Québec – un endroit que je ne connaissais finalement pas du tout avant ça – se faisait ressentir jusqu’à ma petite ville du sud de la France.
Je suis arrivé ici en 2022 avec ma compagne et son contrat de travail, et nous n’avons eu alors que l’embarras du choix. Bien qu’émergeant à peine de la crise Covid qui a pourtant été difficile pour tous les secteurs, l’industrie des effets visuels au Québec recrutait à tour de bras. Lorsqu’elle a trouvé un emploi dans une grosse société internationale du centre-ville, j’ai n’ai pas mis longtemps à recevoir trois ou quatre propositions de compagnies situées une ou deux portes à côté. Les projets étaient excitants, plus que là où je travaillais avant à Paris. J’ai rejoint une plus petite compagnie sur le Plateau, au milieu des murales colorées. Mes copains de France m’enviaient. On sortait souvent. On se racontait les projets sur lesquels on avait travaillé. Comment on solutionnait nos problèmes techniques.
Les gens passionnés, les nouvelles technologies, tout ça, c’est grisant. Je me voyais facilement vivre ici. Tous ceux qui étaient là depuis un ou deux ans de plus avaient connus dans leur carrière de formidables évolutions. Les salaires grimpaient tous les ans. Je venais d’arriver, j’avais hâte. J’ai retrouvé par hasard dans ma compagnie la personne qui m’avait inspiré à rejoindre mon école – et le métier – en France. Il était arrivé il y a seulement quelques années, et serait bientôt mon superviseur. Il s’était établi ici définitivement ; ça ne pouvait être qu’un bon présage. J’étais plus qu’enthousiaste, il y avait un tel vivier créatif ; je me sentais parfaitement à ma place. Venir ici avait été la meilleure décision de ma vie. Et puis en 2024, pour faire bref, il y a eu la coupe du crédit de taxe.
Sur le coup, Je n’ai compris qu’une chose : nous sommes à une décision politique hasardeuse de perdre notre projet de vie. Les productions de films, qui commençaient tout juste à revenir après les passes d’armes entre scénaristes et studios américains de 2023, se sont instantanément volatilisées. « Les clients n’ont plus confiance », ai-je entendu. Nous avons été mis à pied temporairement, parfois pendant des mois. Mise à pied qui se transforment aujourd’hui en licenciements. Sur ma trentaine d’amis français qui avaient prévu de devenir citoyens, une grosse vingtaine sont partis. J’ai appris que sur 8000 personnes que l’industrie comptait, il en restait aujourd’hui aux alentour de 2000. Mes amis québécois, eux, nagent dans le doute. Certains ont quitté l’industrie pour de bon. D’autre font leurs valises pour la Colombie Britannique. Je travaille pour une compagnie québécoise, qui fait face à la situation comme elle le peut. Avec chaque mois, je perds de nouveaux collègues, de nouveaux amis. Un ami américain, qui avait eu une histoire étrangement symétrique à la mienne, a rejoint Toronto. Nous avons soudainement compris que nous n’avions pas de voix. Pour le gouvernement d’ici, nous les artistes VFX – quand bien même nous représentons des milliards d’investissements étranger- n’existons pas. Aujourd’hui, lorsque nous sortons avec mes amis, nous ne parlons plus de nos projets passés. On se demande qui a encore du travail, ou qui a la chance d’en changer. Pour mes copains en Europe, le travail à repris. Les gens autour de moi regardent du côté de Vancouver. Ceux qui s’intéressaient à l’Europe – comme moi avant avec le Québec, entendent parler de l’Allemagne ou de la France. De l’Australie.
Dans quelques mois, le contrat de ma compagne va prendre fin. Depuis le début de la crise, j’ai bien senti que ni moi ni mes collègues n’allions évoluer de sitôt professionnellement. Mais est-ce vraiment encore le problème ? Aujourd’hui, comme d’autres, je suis juste en colère. En colère contre l’absence de réponse du gouvernement, qui se fout de l’art et de la créativité de ses travailleurs.
En colère aussi contre son absence d’argument, lorsque nous avançons que nous participons largement au rayonnement culturel du Québec, avec notre première ou deuxième place mondiale. Lorsque nous rappelons que nous rapportons cinq fois ce que nous coûtons à la province. Que nous sommes une part importante des investissements étrangers. Il n’y a eu aucun dialogue ; et pourtant nous avons témoigné, manifesté. Nous ne sommes même pas sûrs de connaître la vraie motivation derrière ce décret. Ma compagne et moi avions commencé des démarches pour rester ici. Être résidents puis citoyen. En un claquement de doigt, cela nous est devenu impossible. Les petits magiciens des effets visuels du Québec vous présentent leur dernier tour ; la disparition.
C’est dommage.
— Ségolène L.
C’est une année particulièrement difficile. Je suis venue ici dans l’objectif de rester et de m’installer. Depuis les grèves j’ai été mise à pied en octobre 2023 et mon conjoint en juin 2023.. licenciée officiellement en avril 2024. Depuis octobre je n’ai pas trouvé de travail.. j’ai eu des entretiens qui étaient très prometteurs et après un mois d’attente chacun ils m’ont donné l’espoir que tout irait bien pour me dire non. –modération-, –modération– tous le même schéma.
C’est épuisant et déprimant. Ayant maintenant la résidence permanente je cherche partout et finalement même avec ce précieux papier les choses n’ont pas changé. Il est difficile de trouver du travail quand notre seul domaine n’a aucun rapport avec le service a la clientèle, la vente, et même dans le graphisme ils veulent pas de nous.
Mon conjoint a réussi à retrouvé après plus qu’un 1 an sans emploi. Moi je suis une femme de maison qui peine à retrouver le sourire et la motivation. Le quotidien, seule est long et parfois ennuyant. J’ai épuisé la réserve de « je vais profiter de ce temps libre » car le mood vacancier fini par être lassant quand aucune entrée d’argent n’arrive. Les factures s’accumulent, le loyer augmente, les emplois seront silencieux. Je trouve la situation alarmante mais surtout c’est la première fois que je baisse les bras face a l’adversité. Habituellement battante, a la recherche de solution et qui fonce.. depuis 5 mois maintenant je subis le quotidien, tout les amis ont retrouvé sauf moi ce qui me laisse un sentiment affreux d’inutilité. Les faux espoirs causés par –modération– et –modération– n’ont fait que le mettre a terre un peu plus.
Financièrement c’est une catastrophe, l’assurance emploi ayant couvert 8 mois, aujourd’hui je n’y ai plus le droit. J’ai 2 chats et un loyer a payer et mon conjoint se voit obliger de payer plus car je ne peux pas suivre. Je n’ai plus d’économie.
Relationnellment, c’est d’autant plus difficile car beaucoup n’ont pas expérimenté les licenciements et se plaignent parfois qu’ils ont la flemme d’aller au travail, ça laisse un sentiment d’injustice. Puis au cas par cas parfois nous nous battons fort pour un poste puis quelqu’un qui est l’ami de Lachine fini par avoir le poste. Tout ça laisse de mauvais ressentiment car on se sent très seul, et rejeté.
Les RH c’est pire, ils ne répondent pas souvent, souvent ils vous donnent de faux espoirs, ils vous font attendre et vous disent a la dernière minute qu’un « meilleur » candidat a prit le poste.
Le soutien ? On en a pas a part entre nous. Des questions se posent toujours est-il mieux de partir alors qu’on vient d’obtenir la citoyenneté pour conjoint et la résidence permanente pour moi. Changer de domaine ? Oui mais si on le souhaite pas alors qu’est ce qu’on doit faire. Les journalistes s’en fichent autant que le gouvernement. Les gens ne sont même pas conscient de notre réalité. Et rajouter a ça la trend du « no VFX » mettant en avant des acteurs qui mentent ouvertement en disant qu’aucune 3D n’est utilisé ce qui laisse un ressentiment de colère, car une fois de plus ou nous met a l’écart, on nous valorise pas.
C’est assez triste comme constat je dois avouer mais c’est la réalité dans laquelle je vie depuis 8 mois et je suis sûre de ne pas être la seule.
— Nathalie C.
Ça fait plus de 18 ans que je travaille dans le domaine et jamais je n’aurais cru un jour, perdre mon travail et ne plus pouvoir le faire. Toute l’expertise que nous avons bâtit depuis plus de 25 ans à Montréal, en animation 3d à produire des films et téléséries, est malheureusement en train de mourir. C’est extrêmement triste d’en arriver là, des milliers de personnes comme moi sont sans issue. Nous allons devoir soit déménager ailleurs ou trouver un autre type de travail!
— Jason S.
J’ai eu la chance d’apprendre la composition dimages numériques au centre NAD durant la covid. C’était également un programme subventioné par le gouv. depuis 2020 je travaille dans le domaine du VFX, en étant artiste compositing.
Il y a eu les strikes, j’étais chanceux car chez –modération– nous avions bcp de longs projets en cours.
Il y a eu la coupe en crédits dimpots, ca la fait vrm mal. tout les studios y on passé, j’ai été en temp layoff durant 5 mois et je vien de recommencer en juillet dernier. Je me considere tres chanceux.
Je crois que le VFX va survire au qc et meme reprendre des forces. MAIS, 30% minimum des artistes juniors et/ou mid von devoir changer de metier. pcq la chaudiere est plus petite la, elle déborde.
— Alicia X.
I moved to Montreal in September 2019 from London, UK with my company, as they were very busy and growing the Montreal office and needed artists. I was excited, as I had always wanted to live in Montreal – it is a vibrant city, and very close to my family over the US border. I arrived here and hit the ground running at the office, and immediately started to learn French. The pandemic hit 5 months later, and despite this, work was busier than ever – Montreal seemed to continue as a hub for visual effects. After restrictions were lifted and life started to return to normal, everyone here was recruiting, and opportunities for growth and good projects seemed to be increasing in Quebec. I was promoted and working harder than ever, finally making friends in Montreal and meeting the person who would later become my husband. I had every reason to believe that investing my life in Quebec was worth it, as the industry here was solid. Then, suddenly, in August of last year, things started to slow down. The place where I was working started doing rounds of layoffs. We started to hear about strikes in Hollywood and, little by little, I was getting messages from colleagues about how they were being put on « indefinite temporary layoff », as projects were being put on hold, or moved to other locations. Companies did not have projects coming up; there was no work. Soon after these strikes were headlines, I too became a person on an « indefinite temporary layoff ». I applied for jobs where there were none. I was fortunate to find a short contract over the past winter, but after that, there was a time when there seemed to be no work in the visual effects industry. Then the Quebec government decided to cut the tax credit here, making it that much harder for companies here to compete for projects. The timing of this decision was unfortunate, to say the least. With that tax credit cut, companies are starting to close their offices here. Many of my colleagues, who were recruited from other countries and who had moved here, have had to leave and upend their lives again. I was hoping to survive this period, but I am now having to move again myself. Companies in Quebec now state in their job listing that they only require Canadian Citizens or those with Permanent Residency, as there is no longer enough work for everyone. I have applied for PR but it has been months without an answer from the government, so while we wait, my husband and I have had to make the decision to move out of Quebec for work. It has been sad, as I love Montreal. I created a home here, and was very committed to improving my French. It is hard to believe how quickly the VFX industry here has thinned out. I hope to return, but for now I will have to go.
— Benjamin X.
I am a Canadian Compositing Artist that is based in Montreal. I am currently not working, also I am searching for work as Compositor in any of the studio in Montreal for a year now. I need work. But nothing is open and also this tax credit plus the strike even makes it harder for me and the rest of the VFX community that also looking for work just to land a job. To be honest I am running out of funds and time. Everything is not improving. I wont want VFX industry to die because all of this. This is the only thing we are known for. I just wish this problem will end soon as possible. Because all of us will eventually loose everything without control.